Antoine et Isabelle
Quatrième de couverture :
Quand ils vont se rencontrer à Barcelone en 1925, Antonio et Isabel rêvent d'une vie libre et neuve, à l'image des utopies du temps. Isabel a fui avec sa famille la misère de l'Andalousie, Antonio a gravi les échelons au grand hôtel Oriente. Avec ses camarades de rang, il s'enthousiasme pour la jeune République espagnole. Son engagement a tôt fait de l'entrainer dans le tourbillon de l'histoire : en 1936, il prend les armes, quittant à jamais Barcelone. La bataille de l'Ebre, la fuite précipitée avec la troupe en déroute, le camp de réfugiés dans les Alpes, où il retrouve sa jeune famille, puis le maquis, l'arrestation par les Allemands en 1943 et l'envoi au camp de Mauthausen, voilà où ses choix conduisirent l'homme vaillant et opiniâtre que fut le grand-père du romancier. (...)
L'histoire exemplaire de ses grands-parents est conduite en parallèle avec celle, non moins exemplaire, d'industriels lyonnais. De cette famille Gillet, aperçue par Antonio quand il était dans la claque de l'opéra de Barcelone, le romancier retrace les tribulations : s'immiscant dans les mariages arrangés et les alliances stratégiques, il donne chair et corps à ces capitaines d'industrie que les soucis d'équilibre boursier et d'acquisition de brevets menèrent, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, à préserver coûte que coûte leurs intérêts. Le textile et la chimie étaient bien loin des idéaux de la Résistance.
Le livre commence dans la chaleur étouffante de la Jamaïque et dans l'atmosphère chaude d'une discussion à laquelle prend part le narrateur, sur l'existence des chambres à gaz. Celui qui a provoqué cette "réunion", c'est Michel Ferlié, riche héritier d'une famille d'industriels qui a produit le Zyklon B durant la Seconde Guerre. Aussi le narrateur (auteur) va-t-il entreprendre de raconter 'histoire de son grand-père, qui a été déporté à Mauthausen.
Etant donné que Vincent Borel raconte l'histoire de ses grands-parents, on pourrait dire qu'il ne se passe pas grand-chose dans le livre, qu'il n'y a pas de personnage vivant des émotions à la mesure des événements. Mais bien évidemment, les personnages sont pris dans les soubresauts de l'Histoire et à ce titre-là, il se passe sans cesse quelque chose. Les "petits", les "pauvres" sont pris dans la tourmente de la guerre, de la lutte des classes, de l'exaltation du Front populaire, tandis que nous suivons chez les "grands", les "riches", les alliances, les manoeuvres, la mondialisation avant l'heure de capitaines d'industrie pour qui argent et pouvoir vont de pair. En ce sens, je n'ai pas eu envie de lâcher le roman. J'ai trouvé émouvant que l'auteur donne à la fin du livre la parole à son grand-père qui avait publié une brochure sur les horreurs subies dans les camps nazis.
Cette histoire familiale est bien un roman, puisque nous passons sans cesse d'une famille à l'autre, de Lyon à Barcelone en passant par Paris ou New York. Le tout dans une langue sans fioriture, un peu sèche parfois, âpre et pourtant incandescente comme les terres arides sous le soleil d'Espagne. On peut regretter alors une certaine froideur (ou apprécier que l'auteur ne juge personne).
J'ai regretté de ne pas avoir plus de longues périodes de temps pour lire ce livre, je pense que l'intérêt du roman en dépendait un peu. Mais je n'aurais pas lâché le livre pour autant...
Vincent BOREL, Antoine et Isabelle, Sabine Wespieser éditeur, 2010
Un livre qui participe à deux challenges : Challenge Petit Bac, catégorie Prénoms
et Challenge Rentrée littéraire (déjà le 10e titre lu !)