Kosaburo, 1945

Publié le par Anne

Kosaburo, 1945

 

Derrière cette couverture très sobre, se cache un petit livre de 148 pages grâce auquel l'auteure, belge, nous emmène au Japon, durant la deuxième guerre mondiale. Dans ce pays de traditions, régi par un sens de l'honneur très strict, tous les habitants sont appelés à une dévotion sans faille envers l'empereur et la nation. Kosaburo et Akira sont amis. Kosaburo est amoureux de la soeur d'Akira, Mitsuko.

Imprégnés de la philosophie shintô, nourris de respect envers les ancêtres lointains de leur histoire, fascinés par le destin des samouraïs, les jeunes gens sentent néanmoins que la situation du Japon dans la guerre n'est pas très brillante. Akira se sent endoctriné et refuse de se laisser embrigader dans les efforts désespérés des dirigeants pour retrouver l'honneur. Il s'enfuit pour échapper à la convocation de l'armée. Pour éviter le déshonneur à sa famille, et parce qu'elle s'est initiée à l'ascèse avec Kosaburo, Mitsuko prend la place de son frère...

 

En introduction au roman, Nicole Roland explique avoir été aimantée par la photo, dans un journal, d'un aviateur japonais datant de 1945  C'est le point de départ d'un roman tout en retenue sur le destin de ces jeunes Japonais endoctrinés, embrigadés dans une armée qui les maltraite d'abord, leur fait subir un entraînement inhumain avant de sélectionner les meilleurs d'entre eux, qui seront envoyés en formation pour devenir pilotes. Pilotes kamikazes. Ils sont appelés à sauver, à glorifier leur pays par la mort "volontaire", rejoignant en cela le sort fabuleux des samouraïs. Mais malgré des efforts désespérés, le Japon est en passe de perdre la guerre. Bien qu'elle sente combien les jeunes gens sont manipulés, Mitsuko a du mal à envisager ce déshonneur. Elle ira jusqu'au bout de cet idéal exigeant et radical, non parce qu'elle obéit aveuglément, mais par fidélité à elle-même et à Kosaburo.

On sent que Nicole Roland s'est imprégnée de cette histoire des samouraïs, de la philosophie shintoïste et des principes du zen, sans oublier la poésie japonaise qui baigne ce récit. Mais elle nous les fait partager sans lourdeur, sans didactisme pesant : elle a tellement baigné elle-même dans cette culture qu'elle rejoint la précision, la simplicité que j'avais goûtées chez Aki Shimasaki. Son récit est épuré, tout entier dans l'harmonie et le détachement intérieurs que recherchent Mitsuko et Kosaburo. Et si leur destin peut paraître cruel, étrange(r), leur sacrifice inutile et déroutant, on referme le livre avec un sentiment d'apaisement, d'accomplissement. Les deux dernières pages me semblent la quintessence du style tout en retenue de la romancière, qui nous explique à la fin les motivations profondes de l'écriture de ce livre. Je ne vous les dévoilerai pas, mais je peux vous assurer que le livre est vraiment le reflet de ce désir de l'auteure. Et finalement, ce récit prend tout son sens avec ce texte final : c'est le roman d'une liberté intérieure, celle de l'héroïne et celle de sa créatrice (qui se rencontrent et communient par le mystère des mots et des rites).

Un premier roman tout en délicatesse, une plume à découvrir. Un livre qui est en train de faire lentement son chemin en moi... sans doute jusqu'au coup de coeur. Et je ne resterai pas longtemps sans retrouver Nicole Roland, que j'ai rencontrée à la Foire du livre de Bruxelles, une femme charmante qui vient de publier un deuxième roman au titre magnifique, Les veilleurs de chagrin.

 

"Avec les premières brumes vint le temps de rejoindre l'université.

Kosaburo recouvrit de terre les dernières braises de notre feu,je roulai les préceptes des samouraïs et les nouai d'un lien de soie et nous partîmes, non sans avoir mis en pratique une méthode secrète : mettre de la salive sur le lobe de nos oreilles, respirer profondément et briser un objet entre nos mains.

Nous étions prêts. Sil fallait un jour partir au combat, nous abattrions nos ennemis jusqu'au dernier. Jamais nous ne nous avouerions vaincus et si, par malheur, cela devait arriver, nous nous ferions sans attendre seppuku, nous ôtant nous-mêmes la vie.

Nous avions tous les deux fortifié notre esprit et, puisqu'il valait mieux en cas de défaite mourir de la main d'un ami plutôt que de celle d'un ennemi, nous avions pris la résolution de nous assister mutuellement dans le rite de la mort volontaire. Nous avions vingt ans, nous avions mille ans et sur notre coeur palpitait l'éclat d'une armure invisible." (p. 42-43)

 

Nicole ROLAND, Kosaburo, 1945, Actes Sud, 2011

 

L'avis de Choco qui nous explique à merveille les inspirations japonaises de Nicole Roland

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Publié dans De la Belgitude

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U
Mais attends je suis passée sans voir cet avis !!! Je suis fatiguée moi...<br /> Oui on a vraiment une impression de sérénité en lisant ce roman. Comme avec l'écriture d'un auteur japonais. Bref j'ai beaucoup aimé aussi !
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A
<br /> <br /> J'espère lire bientôt le suivant, dont l'auteur m'a dit qu'il y avait un rapport avec celui-ci.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Ah ben écoute, je ne dis pas non ! :) Merci beaucoup !<br /> Je t'envoie l'adresse de suite.
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A
<br /> <br /> C'est noté :)<br /> <br /> <br /> <br />
A
Je n'ai pas lu ton billet car ce sera ma prochaine lecture et je veux garder la surprise. Je reviendrai après lecture.
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A
<br /> <br /> Je suis impatiente de savoir ce que tu en penses !!<br /> <br /> <br /> <br />
C
TRès très tentant, tu m'as convaincue ! Je veux le lire :)
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A
<br /> <br /> Il va partir chez Manu, si tu veux je lui dis de te l'envoyer après ! (Envoie-moi ton adresse par mail dans ce cas.)<br /> <br /> <br /> <br />
M
Je ne dis pas non pour une fois (il est court ! )
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A
<br /> <br /> Tu veux bien me renvoyer ton adresse par mail, steplé ? Je crains de ne pas l'avoir gardée...<br /> <br /> <br /> <br />