La maison de thé
Voici un petit livre assez court (85 pages), trouvé en bibliothèque.
Voici ce qu'en dit la quatrième de couverture, c'est le début du livre, un extrait que j'avais envie de garder en mémoire d'entrée de jeu, donc pourquoi se priver ?
"Si j’ai atteint cette maison de thé, au bord d’un petit lac, c’est que j’ai fait un long chemin dans ce jardin initiatique des environs d’Amsterdam qui raconte un parcours de vie. Depuis la grotte de naissance entourée de fougères, les sentiers de l’enfance et de l’adolescence, jusqu’à l’impasse du plaisir facile et ses rhododendrons, la colline de l’ambition entre les sauges et les bruyères, le désert de la solitude sans aucune végétation. Il ne me reste à parcourir que l’étroite pelouse de la sérénité, décorée de bonzaïs, qui accompagne la vieillesse jusqu’au tumulus de la mort, veillé par un chêne centenaire."
J. T.
Jacques Tournier a notamment traduit les deux romans de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique et Tendre est la nuit. Il a écrit un certain nombre de romans dont À la recherche de Carson McCullers, et plus récemment Zelda (Points) et Francesca de Rimini (Seuil).
Un homme relit sa vie, sans doute en une journée, en un jardin mystérieux. Accompagné d'un petit garçon, Hugo, dont il est devenu "le grand-père de choix", il revoit les moments passés en compagnie de Suzanne Flon, Gérard Philippe, Pierre Fresnay, Barbara (comme vous le voyez, je ne fais que répéter ce que dit le bandeau de couverture... que ma bibliothèque avait eu la sagesse de retirer !). On peut imaginer, comprendre facilement que le récit est autobiographique puisque, nous dit l'éditeur, Jacques Tournier a effectivement traduit Francis Scott Fitzgerald et Carson McCullers.
Mais ce romancier traducteur ne s'est pas contenté de croiser au bon moment la route d'artistes remarquables, et de recueillir avec bonheur les moments de grâce passés en leur compagnie, il convoque aussi les peintres, les musées, les villes de sa vie : Venise avec Carpaccio et Le Caravage, La Haye et Rembrandt, Paris bien sûr...
Au passage, une discrète évocation de ses parents, de son père à peine connu et de sa mère restée à l'époque des photos sépia : "Je garde d'elle une photographie. Elle a trois ans. Elle est assise sur une table de jardin, un noeud dans les cheveux, une robe à fronces, de petites bottines. Elle attend, comme si on l'avait oubliée. Un homme est venu, qui la emportée. Mais il a disparu trop vite. Et elle s'est retrouvée sur sa petite table, en attendant de le rejoindre." (p.20-21)
Un récit qui, derrière ces grandes figures du 20e siècle, effleure l'intime . Un récit livré dans une grande simplicité par un homme sans doute lui-même frappé - à l'instar de Gérard Philippe - par cette phrase du vieux Roi dans Tout est bien qui finit bien, de Shakespeare : "A tout ce que j'entreprends désormais, se mêle un bruit secret, le pas du temps." Le temps dont il ne restera peut-être qu'un parfum de thé évanescent...
Jacques Tournier, La maison de thé, Editions du Seuil, 2011
Le thé étant un végétal, voici une case de plus pour le challenge d'Enna !