Les yeux au ciel
A l'occasion de l'anniversaire du patriarche, Noé, toute la famille se réunit dans la grande maison au bord de la mer. Cela fait longtemps que tout le monde ne s'est pas retrouvé : le fils aîné, Achille, né d'un premier mariage, vit aux Etats-Unis, les trois autres, Léna, Merlin et Stella, nés du second mariage avec Marianne, se sont éloignés un temps. Il y a aussi Scarlett, la fille de Merlin, confiée à ses grands-parents quand son père n'était pas capable de s'occuper d'elle.
Ce long week-end en famille cristallise les peines, les soucis, les manques des uns et des autres : la dépression de Léna, les velléités paternelles de Merlin, l'éloignement d'Achille, mal aimé de sa belle-mère, les questions de Stella sur sa vie de couple. Et surtout, on dirait que le temps est enfin venu de mettre des mots sur la tragédie familiale qui s'est déroulée trente ans auparavant.
Mais il faut s'approcher de la peine de chacun avec délicatesse. C'est sans doute pour cela que Karine Reysset change de personnage à chaque chapitre, au fil de ces six jours de récit, comme pour laisser à chacun le temps de laisser venir les émotions, de les laisser mûrir et peut-être d'essayer de changer le cours des choses. Les mots se font jour difficilement, comme ce début de lettre froissée dans la corbeille, les uns et les autres se cherchent et ont du mal à se parler, à se dire leur affection, leur chagrin, leur désir.
La langue est limpide, légère, et le roman se termine sur de fragiles espoirs entrouverts.
Une lecture en demi-teinte, un joli roman un peu triste et doux-amer. Une première découverte de l'univers de Karine Reysset qui me laisse un peu sur ma faim... J'essayerai d'en découvrir d'autres puisque c'est son cinquième roman.
"Le soleil allait et venait, Léna étendit le paréo sur sa poitrine. Son corps n'arrivait pas à se mettre à la bonne température. Charlotte et Stella discutaient, elles devaient penser qu'elle dormait. C'était sûrement l'impression qu'elle donnait alors qu'elle n'avait jamais été aussi éveillée, les sens aiguisés et la mémoire ravivée. Certains souvenirs étaient limpides et tranchants comme du verre, d'autres au contraire paraissaient polis, presque opaques, elle pouvait les caresser sans risquer de se couper." (p. 141)
Karine REYSSET, Les yeux au ciel, Editions de l'Olivier, 2011
Un livre pioché en bibliothèque, découvert chez Antigone, pour qui c'est un coup de coeur. Clara est plus mitigée, Constance a bien aimé.