Rose, sainte nitouche
Ned Peel vient de mourir, laissant seule sa veuve, Rose, soixante-sept ans, que tout le village est prêt à plaindre. Mais Rose, plantant là ses amis secourables, les Thornby, quitte sa propriété et part se réfugier dans un hôtel où elle passe vingt-quatre heures à se souvenir de sa vie, de sa jeunesse, de son mariage avec Ned. Et surtout de son amour pour Mylo Cooper, un anticonformiste à la double origine franco-anglaise, Mylo l'amour de sa vie, qu'elle n'a pourtant aimé que de loin en loin, préférant la sécurité et l'aisance que lui offrait le mariage avec Ned.
Tout le roman se déploie donc dans des aller-retours entre l'hôtel où Rose s'est repliée et la maison de ses parents, les Freeling, le court de tennis des Malone, et Slepe, la propriété dont Ned a hérité, sans oublier de fréquents sauts à Londres.
Les parents de Rose ne s'aimaient pas vraiment, les Freeling ont élevé frileusement leur fille et n'ont eu de cesse qu'elle ne trouve un bon parti pour compenser leur pauvreté.
C'est au cours de la partie de tennis sur le court d'hiver des Malone que Rose a fait connaissance de Ned, mais surtout qu'elle a rencontré Mylo, le précepteur de la famille, et qu'ils sont tombés immédiatement amoureux. Plus tard, pourtant, Ned Peel, en se cherchant une jeune épouse décorative pour sa nouvelle propriété, a jeté son dévolu sur Rose, qui semblait si parfaite et si naïve pour le rôle. Mylo est parti sans laisser d'adresse ; un tableau de Bonnard offert en cadeau le rappelle pourtant sans cesse à la mémoire de Rose.
Mais nous sommes en 1939 et la guerre éclate. Pendant que Ned remplit ses obligations d'officier, Rose se jette à corps perdu dans le travail au jardin, à la ferme, pour oublier Mylo. Le jeune homme travaille en réalité pour la Résistance française et les services secrets britanniques. Au cours d'une mission, il retrouve Rose. Les amants se retrouveront de loin en loin, durant toute la guerre, dans des circonstances plus ou moins périlleuses, même quand la jeune femme aura mis au monde Christopher, l'enfant de Ned.
Et après la guerre, leur liaison restera houleuse, marquée par la jalousie, l'angoisse, mais surtout une attirance irrésistible.
Que dire de ce roman foisonnant, pétillant, féroce parfois ?
D'abord j'ai adoré me retrouver en Angleterre avec Rose, Ned, Mylo et tous les autres. J'ai rêvé, j'ai ri, j'ai souri à leurs aventures sentimentales. J'ai été irritée par le désir de paraître de Ned, son goût des choses purement matérielles. J'ai attendu avec impatience les coups de fil de Mylo àRose, même s'ils étaient longs à venir parfois. J'ai apprécié les portraits de tous les personnages secondaires, les Malone, l'oncle et la tante de Ned, Loftus et Flora, et surtout les Thornby, Nicholas et Emily, frère et soeur, des pique-assiette et des peaux de vache au secret de polichinelle. Tous des gens qui se proclament amis ou proches, à des degrés divers, mais qui ne souhaitent qu'une chose, se mêler le plus possible de la vie des autres. Vous savez, comme dans les délicieux romans de Barbara Pym, par exemple, où tout le monde s'observe et parle sur le dos de son voisin. N'oublions pas les Farthing, le couple d'employés de maison, qui se révéleront de précieux alliés contre ces "envahisseurs". Tout au long du récit, les secrets des uns et des autres, les désirs cachés, l'envers des décors se révéleront progressivement, tandis que Rose protégera jalousement ses propres mystères.
J'ai aimé aussi le cadre du récit, le charme d'un village et d'un jardin anglais, une histoire d'amour qui se déroule sur fond de Blitz à Londres.
Et bien sûr, j'ai adoré la plume acérée, parfois corrosive et l'humour so british de Mary Wesley, dont je ne résiste pas à vous livrer quelques exemples :
"(Une conversation entre les Farthing) - Elle (Rose) n'est qu'à moitié présente. Tu penses qu'elle va remettre les pieds sur terre quand il (Ned) sera parti ?
- Peut-être qu'elle trouvera sa voie ; ce qui est sûr, c'est que la sienne n'a rien à voir avec celle de son mari." (p. 135)
"Il ne lui vint pas à l'esprit que son assurance nouvelle, il (Ned) la devait à l'une ou l'autre des deux femmes ou peut-être aux deux femmes à la fois ; il était trop comme il faut pour se livrer à un examen de conscience en profondeur." (p. 163)
"Comment réagirait-il s'il apprenait que cette fille avait pris la responsabilité de ses cendres ? Il se retournerait dans son urne ?" (p. 279)
Une lecture réjouissante, une lecture commune avec Manu, et son beau blog Chaplum que je vous invite à aller visiter sans tarder.
Mary WESLEY, Rose, sainte nitouche, Editions J'ai lu, 2010
Une lecture qui participe aussi à 4 challenges (eh oui, quand on aime, on ne compte pas !). C'est le premier titre de mon challenge (pour la lettre... W !)
C'est aussi le premier pour le challenge God save the livre. C'est aussi l'occasion de retrouver le challenge de Kathel
pour l'Angeterre. Enfin c'est aussi le premier titre du challenge de Whoopsy Daisy "Littérature vintage" !