Un billet de Nadège : J'écris parce que je chante mal

Publié le par Anne

Le Livre

 

Mars est fini, ouf ! J’ai l’impression que ce mois a duré une bonne année ! De belles rencontres et de magnifiques moments, mais je dois bien avouer que j’avais hâte qu’avril pointe le bout de son nez ! Et pour bien commencer ce nouveau mois printanier, je commence la lecture de mes achats de la Foire du livre de Bruxelles… Il y a un mois, il y a une éternité !

Bon, j’avoue, je mens un peu… J’avais déjà grappillé quelques mots, quelques phrases, quelques textes de-ci, de-là… Oui, j’avoue… J’ai donc plutôt lu, relu, re-relu… Parce que oui, c’est d’un coup de cœur que je vais vous parler, à tel point que depuis un mois, je ne peux m’empêcher de revenir à ces textes régulièrement, parfois même dans la même journée ou la même soirée !

Alors, ce coup de cœur… Notre rencontre fut presqu’un coup de foudre sur le stand québecquois à la Foire du livre de Bruxelles. Ce qui m’a attiré d’abord : son format et sa jolie couleur rouge (déjà là, il marquait un point) ; ensuite : les premiers mots qu’il m’a lancé, J’écris parce que je chante mal ; alors, je me suis approchée et je l’ai observé d’un peu plus près : un petit bonhomme en caleçon rouge plongeant dans un verre à moitié vide ou à moitié plein (comme vous préférez !) décoré de piques, de trèfles, de cœurs et de carreaux, puis, il a pris la parole, quelques mots qui m’ont sinon séduite, en tout cas intriguée :

 

Dans son recueil, Daniel Rondeau nous amène à la rencontre de personnages esseulés, qui, pour la plupart, ont abandonné la partie et se laissent à porter par un courant de fon qui suffira parfois à les rendre sincèrement heureux. Derrière leur constat d’échec, sous cette épaisse couverture où il s’isolent, se dessinent parfois des êtres dont a volonté de vivre dépasse des blessures aussi cruelles que banales.
Au travers de ces rencontres, se révèlent également les amours à la fois tranquilles et tumultueuses d’un narrateur que la dive bouteille finit par consoler, jusqu’à ce que le soleil se lève à nouveau.

Malgré le tragique des thèmes abordés, l’univers de l’auteur n’est jamais lourd. Son écriture est portée par une belle et grande sensibilité toute masculine.J’écris parce que je chante mal est un recueil de nouvelles saisissant, à la fois touchant et drôle.

 

Du coup, j’ai voulu aller plus loin, je lui ai proposé qu’on se revoie. J’ai pas tenu longtemps avant de le rappeler, j’ai pas voulu m’attacher trop tout de suite, j’ai papillonné ailleurs, mais… j’y suis revenue, je dois bien l’avouer… : il m’a charmée !

Bon, je reconnais : j’ai été un peu surprise et décontenancé en découvrant à quel point ces nouvelles étaient brèves (une phrase, un paragraphe, quelques pages tout au plus, je m’attendais à autre chose… Mais, je ne me suis pas arrêté à ce premier obstacle. Je sais qu’on s’illusionne toujours au début. Mais, il me plaisait, alors je lui ai donné sa chance… et quel bonheur parce que chacun de ces textes est un petit bijou, ciselé, aux métaphores originales et pourtant… tellement… tellement ça. Je dirais… : la note juste ! N’en déplaise à ce petit bonhomme qui assure qu’il écrit parce qu’il chante mal !

Que vous dire de plus… Sinon, vous soumettre quelques-unes de ces belles paroles… qui tiennent toutes leurs promesses…

Il y a des matins

Il y a des matins que j’aime, pour rien, où le soleil est levé depuis quelques jours, où joue à la radio la chanson dans ma tête. Des matins om sa vulve goûte sucré, où sa peau est douce comme l’aile d’un papillon, où son parfum s’accroche aux murs plus longtemps qu’à l’accoutumée, où les sourires sont sans raisons, irraisonnés, irraisonnables, malgré tout le cinéma américain partout. Ce sont des aurores où je traverserais des océans en espérant secrètement ne jamais fouler d’autres terres que celles que j’ai labourées avec mes doigts, un temps où tout m’est connu, où j’ouvre le dictionnaire à la bonne page, où le café garde sa mousse. Ces matins, je m’ouvrirais un restaurant, un bar, un hôtel de passe, les veines des poignets, n’importe quoi pour ne plus jamais partir.

Il y a aussi ces matins que je contemple mais qui signifient si peu, où j’essaie de plier des cuillers par la force de ma pensée, où le chat du voisin attend qu’un poisson sorte de la bouché d’égout. Ces matins, mes espoirs se muent en peurs devant des tests de grossesse trop fatigués pour être clairs.

Ce sont des matins de presque rien où j’ai honte de cette médaille de l’armée russe que j’ai achetée pour quelques sous d’un vieillard édenté en sachant lui prendre ce qui lui restait de gloire, des matins édentés où notre histoire tient en une pièce métallique. J’ai alors mille ans, une cravate de plomb et les yeux qui tombent sur les côtés.

Je me réveille tout en mal de tête et en haleine du passé, je vomis ma vie dans un seau en fer blanc. Il y a des matins tumeur, cancer, lésion, où je me soucie plus des cicatrices que de la chirurgie, des matins scalpel sans suture.

Il y a des matins où le facteur passe devant chez moi sans s’arrêter. Des matins où je ne salue personne pour garder mes mains au chaud, là où elles comptent ce qui me reste de monnaie, ces moments où je ne crois en rien, ni en dieu ni en l’homme et sa douce, ni au journal ni aux bourgeons, où rien n’existe, ni eux ni moi.

Il y a des matins où j’abdique, où je concède la victoire à ce moustique qui me tourne près de l’oreille depuis l’Antiquité, où je reste couché sans même craindre de ne plus jamais vouloir me lever.

 

Il y a des matins, il y a des livres, il y a des rencontres…

 

Daniel RONDEAU, J'écris parce que je chante mal, Collection Hamac-Carnets, Editions Septentrion, 2010

 

La tenancière se permet de vous donner le lien vers le site de l'auteur et vous rappelle que Nadège adore vos commentaires !! Parce qu'elle le vaut bien...

 

challenge Des notes et des mots 4

 

 

Publié dans Les Mots de Nadège

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
Merci, Argali :-) N'hésite pas à le découvrir !
Répondre
A
Jolie chronique qui me donne envie de découvrir ce canadien qui m'a échappé... :)
Répondre
L
J'avais beaucoup aimé aussi !
Répondre
N
Merci, Denis :-)<br /> <br /> Vous allez me faire rougir !
Répondre
D
oui, je confirme que NAdège fait de très beaux articles<br /> l'auteur a écrit sur Camus, je le connais donc un peu mais j'ignorais l'existance de ce livre merci pour cette découverte
Répondre