Franck Thilliez, La chambre des morts
"Vigo et Sylvain se retrouvent, bien malgré eux, détenteurs d’une somme astronomique. Un type, renversé en pleine nuit, à ses côtés un sac rempli d’argent.Voleur ? Trafiquant ? Peu importe. Seule compte l’odeur des billets. S’ils savaient…
Le lendemain, une fillette aveugle est retrouvée morte dans un entrepôt. Peu après, une autre est enlevée. Diabétique. Ses heures sont comptées. Le commissariat de Dunkerque est en ébullition.
Pour Lucie Henebelle, brigadier de police écrasée par la monotonie des journées ennuyeuses, l’occasion est trop belle. Depuis l’adolescence, elle le traque au travers de livres avec l’espoir secret qu’un jour, elle le trouvera sur son chemin : le psychopathe… Réussira-t-elle à percer le cerveau de celui qui laisse, sous ses pas, une puissante odeur de cuir ? De leur côté, les détenteurs du magot iront jusqu’au bout pour préserver leur fortune. Jusqu’à l’impensable."
Si je ne vous livre "que" la quatrième de couverture, cette fois c'est parce qu'il est impossible d'en dire plus sans déflorer complètement le secret de l'intrigue ! Parce que j'ai vraiment été conquise par l'univers de Franck Thilliez et je remercie vraiment Pimprenelle de nous avoir invité(e)s à le découvrir ! Comme je l'ai écrit dans mon billet sur la Foire du livre, j'ai eu la chance de rencontrer cet auteur, alors que j'avais commencé La chambre des morts dans le train sans savoir qu'il était présent à Bruxelles. C'est un petit homme brun, très souriant, ouvert à son public, qui cache pourtant un univers très noir.
J'ai choisi un de ses premiers romans, je préfère souvent découvrir "chronologiquement" un auteur de polars.
Son écriture souple, précise, agréable nous mène facilement au coeur du sujet, nous devinons un univers glauque, effrayant, noir, sans effet ostentatoire, et c'est d'autant plus fort.
Franck Thilliez ne nous raconte pas les choses d'un seul point de vue, le lecteur est ici baladé des victimes aux criminels en passant par les enquêteurs, le suspense et les émotions sont intenses, le rythme est haletant, on avance vite dans la lecture, c'est très difficile de s'en détacher d'ailleurs ! (sauf pour se ménager des petites pauses pour ne pas avoir trop peur !!)
Une caractéristique qui n'est pas sans rappeler Fred Vargas, c'est que le livre est très bien documenté : dans La chambre des morts, il y a des psychopathes, et surtout la taxidermie, dont les techniques sont minutieusement décrites, sans lasser. Très bien aussi pour l'ambiance du Nord, car l'action se situe entre Dunkerque et Lille ; c'est un vrai roman noir, où la peinture sociale, les atmosphères de gris et de froid sur fond de crise permettent de capter les motivations de Vigo et Sylvain. Un petit extrait pour goûter cela, tout comme l'écriture, p. 175 :
"Les deux flics remontèrent en moins d'une heure le tape-cul goudronné qui les jeta à la périphérie de Dunkerque. Au nord, les éoliennes brassaient l'horizon dans une rotation agonisante, encerclées par les monstres industriels bouffeurs d'hommes et d'espoir. Dans ce coin noirâtre de la France, on naissait au bord d'une chaîne de production et on mourait à l'autre bout, comptant chaque soir pour s'endormir non plus des moutons mais des portières de voitures ou des pièces de disjoncteurs.
Derrière ces catacombes de béton, ces gargouilles aux pattes d'acier, quelque part, une gamine luttait contre la mort, son calvaire égrené à l'écran devant des millions de téléspectateurs."
Un des grands intérêts de ce livre, c'est le thème du double : double intrigue (les chauffards et les enlèvements), double enlèvement, criminels doubles, les jumelles de Lucie Henebelle. D'autant plus fort que cette dualité marquée n'est pas manichéenne : Lucie est aussi fascinée par le ravisseur, elle se bat contre ses propres ombres, ses fantômes. On se met à flirter avec le fantastique, l'horreur, les peurs ancestrales...
Si vraiment il fallait mettre un petit bémol, ce serait à propos de quelques petites choses moins abouties sur le plan psychologique : qu'est devenue Eléonore ? quelle est la nature exacte des relations à l'origine des enlèvements ? Mais cela aurait peut-être nui au rythme et à l'intrigue elle-même. Et vraiment, cela ne m'a pas empêchée de ne pas lâcher le livre lu entre Bruxelles et Tournai, terminé très vite ce dimanche.
Un coup de coeur polar noir ! Je ne demande qu'à découvrir d'autres romans de cet auteur et j'ai hâte de découvrir les avis des autres blogueurs et blogueuses : tous chez Pimprenelle !
Franc THILLIEZ, La chambre des morts, éditions Le passage, 2005