Le reste est silence
Un livre à la couverture et au titre superbes, qui m'a fait un clin d'oeil sur le blog de L'or des chambres et à la bibliothèque...
C'est une histoire à trois voix. D'abord celle de Tommy, un garçon de douze ans qui en paraît huit, atteint d'une maladie cardiaque qui le tient à l'écart des enfants "normaux", des efforts violents, et qui trouve un refuge dans ses maquettes d'avion, dans la compagnie d'un ami imaginaire et dans son MP3 avec lequel il enregistre des conversations entendues "au hasard", des réflexions personnelles, des bruits... Au tout début du livre, justement, Tommy s'est caché sous une table et enregistre une révélation sur la mort de sa mère, quand il avait trois ans. La voix de Juan, le père de Tommy, c'est celle qui se veut maîtrisée d'un homme spécialisé en chirurgie cardiaque, un veuf qui s'est remarié avec Alma, qui croit avoir dépassé les vieilles blessures du passé et être parvenu à les faire oublier à son fils et qui, au début, laisse tout en plan pour aller opérer un garçon du même âge que Tommy, atteint de la même maladie. Enfin il y a la voix d'Alma, jeune et belle femme, mère de Lola, qui a osé rejoindre la famille de Juan pour trouver une sorte d'équilibre personnel et a noué des liens très forts avec Tommy. Au moment où Juan quitte la fête d'ouverture du livre, elle retrouve un ancien amant, Leo.
Ces trois "mini-événements" sont le point de départ d'un drame au cours duquel Tommy va chercher à faire dix découvertes sur sa mère, où Juan et Alma vont insensiblement s'éloigner l'un de l'autre. Mais le pssé, que nous découvrons par la voix de chacun, contient déjà en germe le drame à venir.
Le reste est silence. Un silence qui a pourtant imprégné les histoires de Juan, Alma et Tommy : silence des secrets, des non-dits, silence du désamour, de l'abandon maternel, silence criant des blessures que l'on croit cicatrisées, des vérités générales que l'on énonce pour éviter de donner place à sa souffrance... Un silence qui entoure aussi de dignité ce récit et qui m'a même semblé contenir un peu de froideur et de lenteur à certains moments, jusqu'aux dernières pages "à nu". Et j'ai refermé le livre la gorge nouée (et même une larme à l'oeil).
Un livre marqué par les souvenirs cachés, l'attrait pour la mort, l'enfance : le temps, l'eau et la guerre (titre de la deuxième partie)
"Les souvenirs se construisent avec délicatesse avant de se déposer dans la mémoire ; mais ils ne se figent pas, ils se transforment au rythme des sentiments qui les accompagnent, jusqu'au jour où il devient malaisé de distinguer la part de vérité qu'ils contiennent." (p. 49-50)
"Est-ce ainsi que les malheurs arrivent ? Sont-ils inscrits dans un endroit que je ne connais pas ? Si c'est le cas, il suffirait de le trouver, et d'effacer avec une gomme géante les instants qui détruisent les choses que j'aime le plus.
Je crois qu'à un moment donné maman a dû ressentir du chagrin, ou de la colère, comme moi maintenant et, avant de pouvoir le regretter, elle était morte. Mais qu'est-ce qui a pu la rendre malheureuse au point 'oublier de compter jsqu'à dix ?" (p. 140)
L'avis de Clarabel, de Pascale, de L'or des chambres
Carla GUELFENBEIN, Le reste est silence, Actes Sud, 2010
Un livre pioché en bibliothèque et qui participe au challenge Femmes du monde et Le tour du monde, pour le Chili.