Persepolis
Je dois l'avouer, en lisant Persepolis pour le challenge Littérature au féminin, j'avais l'adaptation cinématographique de Marjane Satrapi en tête. Peut-être cela m'a-t-il aidée à "animer" cette lecture.
L'histoire et l'auteur d'abord
Dans cette BD Marjane Satrapi nous raconte son enfance, son adolescence et sa jeunesse en Iran.
Le premier tome commence à la chute du Shah, et à l'instauration d'une république islamique. Marjane est une enfant vive, plein d'esprit, élevée dans un climat de liberté et de réflexion critique par ses parents. Fille unique, elle est chérie par sa grand-mère, dont le mari a été victime de la répression sous le régime du shah. D'un système politique à l'autre, les libertés individuelles ne progressent guère et les opposants sont éliminés et par l'un et par l'autre.
Le tome 2 se déroule sur fond de guerre entre l'Iran et l'Irak de Saddam Hussein, depuis la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran jusqu'au départ de Marjane pour l'Europe. La jeune adolescente vivent tant bien que mal les restrictions, les contrôles, les alertes, le matraquage idéologique sur les martyrs iraniens. Marjane a tellement peu "la langue en poche" que ses parents craignent pour sa liberté ; ils décident de l'envoyer au Lycée français de Vienne, où une amie déjà exilée pourra accueillir l'étudiante. Un départ déchirant pour toute la famille, même si ses parents lui font entièrement confiance pour s'intégrer, pour trouver le bonheur en Europe et "ne jamais oublier qui elle est".
Tome 3 : nous voilà en Autriche avec Marjane. Elle connaît bien des remous dans ses logements successifs : l'amie exilée la laisse un peu tomber et la case dans un internat tenu par des bonnes soeurs qui ne voient pas d'un très bon oeil cette étrangère. Marjane vivra chez différents "amis" avant de connaître carrément la rue. Surtout, elle apprend les difficultés de l'intégration, de se faire des amis, de vaincre la solitude. Elle découvre le "No Future" auprès de jeunes Viennois désenchantés. Marjane en ressent d'autant plus douloureusement le tiraillement intérieur qui est le sien : elle était occidentale en Iran, mais elle est bien iranienne en Europe. Quand elle se retrouve à la rue et qu'elle est recueillie malade, soignée, elle ose demander à ses parents de revenir à Téhéran.
Voilà la jeune femme de retour en Iran. Un peu déboussolée, déprimée, elle met du temps à retrouver ses marques dans cette société où les femmes sont condamnées à la cagoule, constamment surveillées par les gardiens de la révolution. La guerre avec l'Irak prend fin et Marjane poursuit des études artistiques. Elle rencontre Reza, avec qui elle va se marier, histoire de connaître un peu plus de liberté. Mais elle sait que ce n'est pas l'amour de sa vie. Elle se laisse du temps pour mûrir, terminer ses études, construire un projet. Pour enfin quitter définitivement l'Iran en 1993/94. C'est en France qu'elle vit désormais.
Comme nous le savons, Marjane Satrapi est entrée en BD et s'est fait reconnaître magistralement de ce monde artistique grâce à son autobiographie, Persepolis.
Le style, le graphisme
BD tout en noir et blanc, où le noir tient une place très forte, le dessin est assez simple et classique, mais se permet parfois des envolées lyriques ou graphiques très recherchées. Comme je le disais en introduction, le film m'a paru plus vivant, plus dynamique ; forcément, me direz-vous. Dans le livre, c'est vraiment l'histoire, la lecture qui priment sur l'image, même si celle-ci est intéressante.
L'esprit de Marjane Satrapi
Pleine d'humour, d'une intelligence redoutable parfois, Marjane Satrapi nous raconte l'Iran, ce pays si mal vu des Occidentaux. Des gens ordinaires y vivent, comme vous et moi, des hommes, des femmes, des enfants, des intellectuels, des soldats, des religieux... La jeune femme ne juge personne, c'est la force de son propos. Elle nous rappelle surtout que c'est l'humain qui prime, la réflexion, l'esprit critique, l'intégrité, la fidélité à des convictions d'ouverture et de liberté. Elle nous permet de comprendre un peu l'écartèlement entre deux pays, deux cultures, deux regards sur le monde.
Marjane Satrapi, Persepolis, L'Association, 2002-2003
Challenge Littérature au féminin 1/5
et aussi (pour l'Iran) 3/50