Un lac immense et blanc
Quatrième de couverture :
Par un matin de neige, la narratrice attend dans une gare un homme qu’elle ne connaît pas : elle a envie de parler de Ferrare avec cet étranger qui, tous les mercredis matin, dans ce Café lunaire où ils ont leurs habitudes, évoque inlassablement sa ville d’origine. Elle a pris sa journée, mais l’homme n’arrive pas par le train habituel...
Je ne note qu'un morceau de la quatrième de couverture, j'ai l'impression, depuis Les trois lumières, que l'éditeur en dit trop sur ces textes courts, dont fait partie Un lac immense et blanc. C'est le premier roman de Michèle Lesbre que je lis, et je n'ai pas été déçue. Ce lac immense et blanc, c'est le tapis de neige qui couvre le Jardin des plantes dans lequel la narratrice, une femme un peu âgée déjà, se réfugie après ce rendez-vous improbable et manqué avec l'Italien, cet inconnu avec qui elle aurait bien voulu parler de Ferrare. C'est aussi le tapis de neige qui recouvrait l'Aubrac, là où, bien avant mai 68, cette femme a connu ses premiers combats politiques avec Lise et Jean, et surtout avec Antoine, qu'elle a aimé et qu'elle n'a plus jamais revu.
Ce livre est comme un tableau qui dévoile ses couches de peinture successives, chaque personnage en cache un autre, chaque paysage en évoque un autre, et les souvenirs déroulent leur tapis immense et nostalgique, La narratrice fonctionne au coup de coeur poétique, elle est de passage dans la vie des gens, les gens et les quartiers tracent en elle des images poétiques ou cinématographiques, elle parle avec un corbeau freux du Jardin des Plantes... Et pourtant les rencontres les plus éphémères laissent en elle une trace durable.
"Lorsque je le rejoignais et qu'il m'enfermait dans ses bras, je pleurais sans savoir si c'était de bonheur ou parce que dehors un soldat continuait de marchr seul dans la nuit froide. Il entrait dans mes rêves, je me réveillais dans le froid de la guerre. Les morts dont le snoms figuraient sur les listes devenaient mes morts, quellque chose vacillait en moi et me faisait grandir, comme me faisiat grandir l'amour avec Antoine, dans cette campagne isolée du monde." (p. 38-39)
"Je réinvente ma vie dans le désordre en mélangeant les temps, les lieux, les êtres chers, mais c’est tout de même ma vraie vie. Peut-être que cette journée est un cadeau plutôt qu’un empêchement et un rendez-vous manqué. J’attendais l’Italien, c’est Antoine qui est venu, dans le silence de la ville qui est une autre ville, lointaine et familière à la fois." (p. 55)
Un roman très poétique dont la porte est ouverte à l'inconnu et à l'éternité. "Une neige sinon heureuse, du moins fidèle aux premières émotions enfantines, à ce qu'elle génère chaque fois en moi, la sensation fugitive d'une sorte d'éternité." (p. 52)
Michèle LESBRE, Un lac immense et blanc, Sabine Wespieser Editeur, 2011